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12 mars 2012 1 12 /03 /mars /2012 10:56

Monsieur Sapiro. Benny Barbash.ed. Zulma, 352 p. 22 E.

 

Depuis Blaise Pascal, on sait que “ un roi sans divertissement est un homme plein de misères” et que l’ennui, cette impression de vide, cette lassitude morale qui fait que l’on n’a goût à rien est le pire des sentiments qui guette l’homme ordinaire. A cela, un seul remède : le divertissement. C’est le cas de Mike, le héros que met en scène Benny Barbash, mais Mike n’est pas le Capitaine Langlois du roman de jean Giono et ce n’est pas par les mêmes méthodes qu’il va essayer de retrouver la jouissance. Il est publicitaire, donc un homme d’imagination… Ressassant, dans un bar d’hôtel, la morosité et la banalité de son existence, sa vie bascule, alors que la serveuse, accorte et dotée de quelques appâts qui ne le laissent pas indifférent, s’avance, annonçant que Monsieur Sapiro est demandé au téléphone. Dans les quelques minutes où toute l’action du roman se concentre, Mike invente la vie rêvée, fantasmée  de Monsieur Sapiro, faussaire en peinture …. Avec ce prétexte romanesque d’une usurpation d’identité, qu’Amélie Nothomb a, par exemple, utilisé dans Le fait du prince, il y a de quoi faire de la littérature …ou pas. Benny Barbash, l’une des figures les plus importantes des lettres contemporaines israéliennes se sert de ce prétexte pour nous offrir  une fable drôle, loufoque, ironique, cynique même. Mike n’est pas sans rappeler le Monsieur Dutilleul du Passe-muraille de Marcel Aymé. Un Marcel Aymé, désenchanté, pas dupe des faiblesses humaines, maniant l’ironie, mâtiné de l’humour dévastateur de Woody Allen. Et c’est avec la même jubilation que celle qu’il a dû avoir à l écrire que nous basculons, en le lisant, dans cette vie rêvée de Mike. Cette mise en abîme d’un personnage usurpant l’identité  d’un faussaire se prenant lui-même pour un autre plonge le lecteur  dans  un questionnement sans fin sur ce qui fonde l’identité d’un individu, identité mouvante et plurielle, sur ce désir, commun à tous les hommes , de  s’inventer une autre vie , ailleurs et autrement . Le décor est ici celui de la société israélienne contemporaine, la situation, celle d’un quadragénaire dont l’aventure amoureuse avec sa femme arrive à sa fin , mais cela importe , finalement, guère , hormis qu’elle permet à l’auteur quelques digressions sur le désir , le plaisir, le sexe qui sont savoureuses . C’est avec virtuosité, une légèreté de plume déconcertante que Benny Barbasch tend au lecteur ce même miroir dans lequel Mike se regarde : « il est surpris de voir son reflet siroter du café dans la même tasse que lui, en faisant les mêmes mouvements. Derrière lui, dans le miroir, il aperçoit la serveuse qui passe entre les fauteuils, en portant un tableau magnétique, annonçant en grandes lettres dorées MONSIEUR SAPIRO ». Vous l’avez compris, le roman que Benny Barbash est un  miroir dans lequel il nous invite à nous regarder, car nous sommes tous des Mike. Nous inventons nos vies jusqu’à ce que nos inventions se mêlent au réel. Cela s’appelle la littérature.

AJL

Magazine littéraire . Février 2012

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