Certains soirs de poignante nostalgie
quand les clous de l'exil s'enfoncent dans mes paumes
quand le vin saccage mes membresj'entame avec toi une conversation au bord de l'aile et de l'abîme
j'entends ta voix de plomb
j'écoute ta voix de patio andalou
j'entends ta douleur murmurer
j'écoute ta fureur de vie galoper entre les oliviers verts
Certains soirs d'abandon glacé je pose ma tête sur ton épaule toujours en flamme
Ô Fédérico et je m'abandonne.Et je réclame tes paumes de miel sur la plaie.
Pour moi tu tambourines de tes doigts nocturnes sur la table sur le carreau et tu inventes des cavales des processions des fêtes gitanes
qui ne s'éteindront qu'avec les yeux épuisés.certains soirs quand cela fatigue de respirer, de dire"bonjour, cher ami", de bouger les jambes
je frappe à ta porte de terre violente et pure, j'entre dans ta maison de silence et d'espace
je ne dis rien. Je reste debout dansun coin d'ombre. Je te regarde sans parler
je te regarde enfoui jusqu'aux lèvres dans tes travaux d'abeille musicale
que la mort de balles et de haine n'a point interrompus.J
Je t'aime ô Fédérico
Plus tard quand les eaux s'apaisent sous les feuilles
quand les guitares se font aveux d'amants
quand les cigarettes rougeoyantes découpent des profils durs dans l'air
nous reprenons la phrase inachevée
nous nous avançons plus avant à travers les hautes herbes du langage vers cette aube de berger où nous attendent pain blanc et lait frugal.
En hommage à Fédérico Garcia Lorca assassiné le 19 Aout. In "Les riverains du feu". anthologie Editions le Nouvel Athanor.