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13 avril 2011 3 13 /04 /avril /2011 14:53

« L’écorce des cœurs » de Jacques Viallebesset est bien plus qu’un simple hymne à la poésie, il est une invitation à la reliance poétique. Il est des poèmes qui se contentent de jouer avec les mots et les sonorités. Les poèmes de Jacques Viallebesset se situent bien au-delà. Ils sonnent comme ces symphonies endiablées qui vous font frôler à la fois l’absurde et le divin. La poésie, au même titre que le mythe, n’est-elle pas un « métalangage » qui par un processus de métaphorisation des mots et des paroles rend visible l’invisible.

 

« Poétiser, c’est vouloir capter le bruissement ou le palpitement des cœurs vivants qui battent à l’unisson du rythme du cosmos »  nous dit avec lucidité Jacques Viallebesset. En effet, on peut avancer l’idée que ce sont les poèmes et autres images poétiques qui définissent et influent la manière dont l’homme habite le monde. Heidegger en reprenant les mots de Hölderlin ne nous dit-il pas que « l’homme habite en poète ». Cette manière d’habiter traduit le besoin qui se loge en tout un chacun d’attribuer aux choses profanes un sens éminemment symbolique et sacré. La poésie est bel et bien un processus alchimique qui transforme le verbe en or. Jacques Viallebesset ne manque d’ailleurs pas de le souligner : « Je suis l’athanor de moi-même. Mon cœur est en putréfaction. Sel, soufre et mercure coulent dans mes veines. Le plomb de mes contradictoires  pulsions se transmutent en or pur ».

 

Où mieux que dans l’imagination poétique est-il possible de vivre au plus près l’expérience initiatique des tribus primitives? « Car la poésie, nous dit Gilbert Durand, ne se lit pas avec l’intellect, elle se « réévoque », elle se réanime par une sorte de yoga de la langue ». Il faut entendre la parole poétique comme un geste qui réitère une sorte de rite initiatique. La poésie donne le rythme linguistique et symbolique indispensable à toute « mutation ontologique du régime existentiel » (Eliade). 

 

Certes, l’homme n’a pas ici à subir des épreuves physiques pour accéder au statut d’initié. Elles sont remplacées par une expérience linguistique qui demeure centrée sur l’émotionnel et sur la recherche du sens faisant corps avec l’égrégore que permet la reliance poétique. Le passage de l’obscur vers la lumière est un thème récurrent de la poésie et c’est par ce biais-là, que l’homme renaît symboliquement de ses cendres. Naître inachevé et renaître entier.

 

N’en reste pas moins présente cette harmonie conflictuelle entre instinct et spiritualité grandissante au sein même de l’homme postmoderne qui souhaite par-dessus tout et surtout au-delà du monde désenchanté recréer un lien fraternel avec ses semblables. Les poèmes de Jacques Viallebesset ont ôté le bandeau de l’ignorance pour réactualiser la magie de la parole poétique et revivifier l’ensemble du corps social.

 

Positivisme et historicisme sont les deux grandes croyances occidentales qui depuis Platon se sont efforcés d’éradiquer mythologie et poésie. Le nominalisme scientifique vient considérablement réduire la poésie à un simple jeu verbal. Aux yeux de l’homo rationalis, la poésie est un objet frivole et divertissant. Elle est un obstacle considérable au progrès. Et pourtant, on observe un réenchantement poétique au 19ème siècle qui surgit au moment même où le mythe du progrès se veut triomphant. La désacralisation totale de l’univers humain n’aboutit pas et conduit plutôt à un regain manifeste pour la poésie : Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Höderlin, Poe, Whitman, Byron, Blake et tant d’autres sont les fers de lance de cette « mutation poétique » et incarnent les fondations mêmes de la poésie contemporaine. « L’écorce des cœurs » de Jacques Viallebesset appelle ainsi à une résurgence du lien fraternel à travers une revalorisation de la parole poétique comme vecteur de réenchantement dans un monde trop désenchanté.

 

Frédéric Vincent,

Auteur de "Le voyage initiatique du corps".

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